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- Le rapport VALIN -

Rapport en date du 12 septembre 1946 de Mr Valin, ingénieur agronome suite à la visite de Coventry du 30/07 au 06/08 1946)

NOTE sur les AVANTAGES du MATERIEL de MOTOCULTURE "FERGUSON"

La conception du matériel de motoculture Ferguson diffère essentiellement des conceptions usuelles qui ont conduit aux tracteurs courants, américains ou autres.

Les tracteurs américains, d'abord adaptations sommaires des véhicules automobiles aux travaux des champs, ont évolué peu à peu en accord avec les besoins de travail du sol, les cultures et le climat particulier des U.S.A. (prédominance du maïs, etc.…) pour aboutir aux engins actuels, soit à chenille (4 à 6% de la production) soit surtout à roues du type tricycle dit "row-crop" (25 à 30% de la production). Ces tracteurs sont d'une manière générale peu applicables en France, soit à cause de nos tenures du sol (petite et moyenne propriété); soit en fonction de nos besoins culturaux (labours profonds, cultures en lignes rapprochées, morcellement parcellaire).

Dès l'origine (1916) les recherches entreprises par M. Ferguson ont été invariablement déterminées et guidées par une doctrine et une philosophie parfaitement cohérentes, de portée générale, s'appliquant à l'agriculture sur le plan mondial. Les premières charrues portées Ferguson (1925), l'invention puis la mise au point définitive du système Ferguson (1930-36), enfin la création du matériel actuel sont les conséquences directes de ces idées dont voici l'essentiel :

- Le développement de l'ère industrielle moderne est caractérisé par l'abandon quasi-total de la force motrice humaine et animale au profit de sources de force motrice infiniment plus commodes et économiques. Seule parmi ces activités majeures, l'agriculture – industrie principale de l'homme – a conservé l'usage encore prédominant aujourd'hui de la traction animale, qui est pourtant "le plus grand obstacle sur la route du progrès humain".

- L'animal de trait n'a pas été créé pour le travail, mais bien adapté tant bien que mal par l'homme à ses besoins, au prix de servitudes, de pertes de temps et d'incommodités multiples. Sa puissance est limitée, son rendement faible, et son prix de revient est exorbitant par rapport à tout autre moteur.

- Si les neuf dixièmes des entreprises agricoles du monde entier utilisant encore aujourd'hui cette force motrice anachronique, ce n'est pas par esprit rétrograde, mais parce que la technique moderne a été incapable de concevoir et de réaliser en très grand nombre des engins mécaniques dont l'emploi soit partout commode, avantageux, et surtout complet.

"La motorisation de l'agriculture a échoué parce qu'aucune machine capable de supplanter la traction animale n'a été inventée".

Le tracteur considéré comme simple "cheval mécanique" auquel on fait tirer des outils de travaux du sol présente de nombreux inconvénients dont le plus grave est que son adhérence, donc sa capacité de traction, est proportionnelle à son poids propre. Seul un tracteur lourd sera donc efficace. Or le poids, en plus de son incidence sur le prix de la machine et sur sa consommation de carburant, est "la chose la plus funeste qui puisse être appliquée sur le sol arable".

Le tracteur ainsi traité comme une "unité de traction" distincte des outils de travail atteint vite les limites de son emploi, par son poids et ses dimensions mêmes. Il ne peut remplacer la traction animale intégralement et partout. Pour l'immense majorité des fermes du monde, posséder à la fois des tracteurs et des animaux de trait constitue une ruineuse hérésie économique.

Il faut penser "motoculture", c'est à dire travail motorisé du sol, et non seulement "tracteur". Celui ci n'est qu'une partie d'un tout et ne se suffit pas à lui-même; c'est le travail des outils qu'il entraîne qui compte seul. D'où la conception de l'unité de travail Ferguson "Ferguson unit principle", machine de motoculture motorisée, substituée à l'unité de traction.

Comme les travaux des champs sont très variés, pour supplanter la traction animale l'appareil de motoculture doit s'avérer capable "d'exécuter", sur toutes les fermes du monde entier, la totalité des travaux que font les animaux de trait, et pour une fraction de prix de revient de ces derniers. "Toutes les conditions générales agricoles existant dans le monde doivent être prises en considération"

Le matériel doit fonctionner normalement partout, dans toutes les conditions, toutes les cultures; dans les pentes, parmi les obstacles, dans les terrains morcelés, etc.… Il doit réaliser la difficile combinaison de la légèreté et de l'efficacité. Sa conduite doit être simple et sa sécurité d'emploi totale, car briser une pièce ou tomber en panne est beaucoup plus grave par l'arrêt désastreux du travail que par le coût du remplacement ou de la réparation. Il doit être "foolproof".

L'emploi des animaux de trait devient absurde en présence d'un tel matériel; il faudra alors apprendre aux agriculteurs à se débarrasser de leurs bêtes de travail. Ce ne sont pas des boulons, des écrous et des chevaux vapeur que vend le constructeur, mais une nouvelle méthode d'exploitation agricole (a new farming system). Le matériel doit pouvoir être utilisé avec avantage dans les exploitations familiales de petite culture (family size farms) car, plus une exploitation est petite, moins elle peut payer le prix de revient des animaux de trait; donc elle a besoin d'être mécanisée pour devenir économiquement viable. C'est parce que l'équipement agricole est anachronique que le coût de la vie doit augmenter constamment. Motoriser c'est permettre à l'agriculture d'augmenter sa production et d'en diminuer le prix de revient. C'est donc la mettre en position de "vendre ses récoltes à un prix moins élevé tout en étant elle même plus prospère.

"La machine agricole est de très loin la machine qui crée le plus de richesses". Le développement de la motoculture créerait une gigantesque industrie en même temps qu'elle transformerait la vie des agriculteurs et révolutionnerait l'économie rurale. Ses conséquences générales économiques et sociales sont incalculables".

Telle est la "philosophie derrière le tracteur "Ferguson". C'est pour permettre l'exécution de ce vaste plan de "reconstruction du monde par l'agriculture" que le système Ferguson a été inventé.

Définition et conséquences techniques du système FERGUSON

Le système Ferguson dans sa généralité est l'ensemble du matériel de motoculture qui constitue la réalisation intégrale des idées précédentes. Il forme un tout cohérent, comprend un tracteur de conception particulière et une gamme considérable d'outils agricoles interchangeables spécialement adaptés.

Le principe de l'unité de travail, l'adaptation étroite de chaque outil au tracteur pour former avec lui une machine motorisée de rendement maximum, est assuré grâce à ce qui constitue le "système Ferguson" proprement dit, à savoir la combinaison nouvelle et ingénieuse d'un attelage articulé en tous sens et d'un mécanisme hydraulique complet

Tout le reste a été construit autour et en fonction de cet ensemble mécanique qui détermine les caractéristiques et la conception aussi bien du tracteur que des outils agricoles. Le tracteur Ferguson organise pour la première fois de façon rationnelle les relations dynamiques au cours du travail entre la partie motrice et la partie travail du sol.

L'attelage articulé se compose de trois barres longitudinales, dont deux inférieures travaillant en traction et une supérieure travaillant en poussée. Elles sont munies à toutes leurs extrémités d'attaches à rotules sphériques qui leur permettent de s'orienter en tous sens. Elles déterminent aussi bien dans le sens horizontal que dans le sens vertical, des quadrilatères articulés. Les outils sont montés ou démontés presque instantanément sans l'aide d'aucun outil et pourtant littéralement incorporés au tracteur; leurs mouvements relatifs sont contrôlés par le mécanisme hydraulique.

Ce dernier, relié mécaniquement à l'attelage, fait partie intégrante du tracteur. Sa sécurité de fonctionnement est totale. Outre sa fonction de relevage, qui n'est pas une nouveauté, il exerce plusieurs actions, soit commandées manuellement par une seule manette: terrage, réglage de la profondeur de travail, relevage; soit entièrement automatique: contrôle permanent de la profondeur de travail choisie; action instantanée supprimant tout danger de cabrage et de rupture d'un organe quelconque en cas de rencontre d'obstacles dans le sol. Ces actions multiples n'existent nulle part ailleurs, de même que la commande manuelle unique pour tous les réglages et mouvements usuels des outils.

L'ensemble de l'attelage à des effets dynamiques capitaux: les outils ont tendance à pénétrer constamment dans le sol au cours du travail, et c'est le mécanisme hydraulique qui les maintient à profondeur constante. Le tracteur se trouve de ce fait chargé en permanence du poids de l'outil et de sa tendance à la pénétration qui est fonction du travail effectué. On a réalisé ainsi, sans poids supplémentaire, un tracteur à adhérence variable suivant les besoins.

En résumé, le système Ferguson confère au matériel ainsi conçu les avantages suivants, absolument exclusifs et brevetés dans tous les pays:

- 1 - Pénétration et maintien dans le sol d'outils légers, sans faire appel au poids de ces outils

- 2 - Terrage, relevage, et réglage de profondeur sans effort, avec une seule manette.

- 3 - Adhérence variable et croissante selon les besoins, utilisant la résistance même du sol au passage de l'outil, pas de tassement du sol. Tracteur à travail égal plus léger qu'aucun autre.

- 4 - Suppression totale de toute tendance au cabrage en toutes circonstances.

- 5 - Suppression totale de tout risque de rupture d'organe en cas de rencontre brutale d'obstacle dans le sol.

Avantages économiques et pratiques

Certains avantages économiques peuvent être chiffrés avec précision grâce aux essais officiellement pratiqués par la Station Centrale d'essais du Ministère de l'Agriculture sous la direction de M. Bourdelle et de M. Dhuieq. Ils sont de toute première importance. Voici les résultats des essais pratiques de labour effectués d'une part à la ferme extérieure de Grignon, et d'autre part, à Ville –Evrard, respectivement les 27/2/1945 et 13/9/1945; dans le premier cas avec un tracteur sur roues fer, dans le second cas avec un tracteur sur pneumatiques.

Grignon:

- Labour en 2eme vitesse avec charrue trisoc de 12 pouces (30,5cm)

- Largeur labourée à chaque passage: 0,912m.

- Profondeur moyenne: 0,168m.

- Surface labourée à l'heure: 0,3948 hectare (un hectare serait donc labouré en 2h32mn)

- Consommation à l'hectare labouré: 16,58 litres (soit 0,986 litre par hectare et par centimètre de profondeur.

- Caractéristiques de terre: argile 23%, limon 26,7%, espace lacunaire 28,2%, eau 22,5%

- Vitesse en travail: 1,31m/s soit 4,720 km/h.


Ville-Evrard:

- Labour en 2eme vitesse avec charrue bisoc de 12 pouces (30,5cm).

- Largeur labourée à chaque passage: 0m630

- Profondeur moyenne: 0m237

- Surface labourée à l'heure: 0,2765 hectare (un hectare serait labouré en 3h37mn).

- Consommation à l'hectare labouré: 22,72 litres (soit 0,959 litre par hectare et par centimètre de profondeur).

- Caractéristiques de la terre: argile 24% - limon 21,2% - espace lacunaire 51% - eau 19,75%.

- Vitesse de travail: 1,46m/s soit 5,250 km/h.

Par ailleurs, les essais du moteur à la poulie et les essais de traction au dynamomètre, pratiqués les 13 et 14 septembre à Paris et à Ville-Evrard, ont donné les résultats suivants:

Puissance à la poulie: 17,3 CV
Consommation spécifique: 327 gr/CV/h
Meilleur essai de traction: 816 kg (effort moyen sur 40 m)
Meilleure traction moyenne en 2eme vitesse: 791 kg
Poids du tracteur 1050 kg

Ces résultats appellent les affirmations suivantes, dont l'exactitude pourra être vérifiée auprès de la Station d'essais:

1) Economie de poids et de puissance: aucun tracteur classique opérant avec une charrue traînée ne pourrait égaler les performances en labour du tracteur Ferguson sans peser au minimum 1600 à 1650 kg à vide. Le tracteur Ferguson pèse 1050 kg à vide.
A performance égale, un tracteur classique pèse donc plus de 50% de plus que le tracteur à système Ferguson.Un simple calcul permet de vérifier cela: à Ville-Evrard la section labourée était de 15 dm2 environ. Etant donné la nature de la terre, la profondeur (environ 24 cm) et la vitesse (environ 1,5m/s) du labour, ce travail correspond au minimum (résistance des organes annexes compris; avant train, talonnage, etc.) à 60 kg de traction par décimètre carré de section travaillée, et peut être 70 kg.
C'est donc une traction totale de 900 à 1000 kg en moyenne qu'il faudrait exercer, correspondant à la vitesse considérée; une puissance à la barre de 17 à 19 CV, qui exige dans les meilleures conditions un moteur de 22 à 25 CV. D'après les chiffres obtenus en essais officiels, tous les tracteurs français à roues pèsent entre 75 et 100 kg (poids à vide) au cheval réellement développé par leurs moteurs. On arrive donc finalement à un poids compris entre 1650 et 2000 kg.

La preuve est donc faite de l'efficacité du système Ferguson, facteur d'allégement et de rendement, dont l'emploi conduit à une économie de poids de 1/3 et de puissance de 25% par rapport aux matériels classiques de même performance.

Si nous comparons maintenant aux meilleurs tracteurs à outils portés, nous constatons encore un avantage substantiel en faveur du système Ferguson. Par exemple le tracteur anglais David Brown est muni d'outils portés de dimensions identiques à celles du Ferguson; son poids est de 1575 kg et son moteur développe une trentaine de chevaux. Le tracteur américain Farmall H, de performance tout au plus équivalente, pèse à vide 1550 kg, est prévu pour supporter 800 kg de poids d'alourdissement, et développe 24 CV.

Il est à noter que le tracteur Ferguson aurait pu, à Ville Evrard, utiliser une charrue à corps de 24 pouces au lieu de 12 pouces si ce modèle avait été disponible.

Mais le gain de poids ne se borne pas à ce que l'on constate en considérant le tracteur lui même: les charrues Ferguson bisocs, 12 et 14 pouces, pèsent respectivement 158 et 160 kg . Il n'est pas une charrue traînée américaine légère de capacité équivalente (profondeur de travail 0m25), qui pèse moins de 260 kg, pas une charrue construite en France qui pèse moins de 300 kg, et parfois beaucoup plus. L'économie de poids est donc ici de 50% Elle reste encore supérieure à 30% si l'on considère des charrues portées équivalentes. La preuve est donc faite en passant du principe Ferguson de la "pénétration sans poids" des outils dans le sol.

Tous les autres outils portés Ferguson bénéficient d'un allégement correspondant. Réduits à la plus extrême simplicité, ils allient légèreté, solidité et bon marché.

Dans le problème de toute première importance des transports agricoles, la solution Ferguson apporte encore une incroyable économie: l'application du système Ferguson aux remorques semi - portées constitue une révolution en la matière; elle se traduit par:

Une augmentation de la capacité de traction du tracteur atteignant 50 à 100% ; la même charge utile pourra être tirée par le tracteur Ferguson et par un tracteur classique dont le poids est environ le double.

Un allégement de la remorque dont le poids mort à capacité égale, est réduit de 25 à 40% par rapport à celui des remorques classiques à quatre roues.

2) Economie de carburant : L'économie de puissance obtenue par l'effet du système Ferguson: allègement, suppression des résistances parasites (avant train, organes régulateurs, etc. . .) se traduit évidemment par une économie proportionnelle de la consommation de carburant. En voici la preuve:

Le moteur utilisé jusqu'à présent par les tracteurs Ferguson donne au banc, une consommation spécifique de 327 gr/ch./h qui est nettement supérieure à la plupart des moteurs français souvent voisin de 250 ou 260 gr/ch./h, soit 20% moins élevé.

Aux essais de labour, la consommation dans des terres déjà fortes s'est élevée à moins d'un litre par hectare et par centimètre de profondeur labourée, résultat excellent qui ne peut être obtenu par les meilleurs tracteurs classiques que dans des terres légères exigeant une traction 15 ou 20% mois grande.

La preuve est donc faite que le système Ferguson réduit, à moteur de consommation spécifique égale, la consommation à travail agricole égal, de 20 à 30% par rapport aux attelages classiques traînés. Par rapport aux outils portés la réduction de la consommation reste encore de 15 à 20% au minimum.

Ces chiffres sont confirmés par des essais de longue durée qui, réalisés en Angleterre, on fait ressortir en faveur de Ferguson un avantage de consommation de 9 à 48% par rapport à cinq autres tracteurs à outils portés ou traînés, dont la consommation spécifique du moteur était pourtant meilleure que celle du moteur monté à cette époque sur le tracteur Ferguson.

En résumé, les avantages économiques du matériel Ferguson peuvent se chiffrer ainsi:

à capacité égale, l'ensemble du matériel comprenant tracteur, outil de travail du sol, remorque; soit l'équipement normal d'un agriculteur, économise en moyenne 30 à 35% du poids global, soit plus d'une tonne de matière par équipement

Dans les travaux lourds, labours, préparation du sol, l'économie de carburant se chiffre par 15 à 25%. Il en est de même pour les transports.

Ces chiffres qui font ressortir l'intérêt national de l'emploi de ce matériel, ont été obtenus avec le tracteur Ferguson de construction américaine. Le nouveau matériel construit maintenant à Coventry a été perfectionné. Il donne des résultats encore supérieurs C'est ainsi que:

Le moteur Continental à culbuteurs qui a remplacé l'ancien moteur à soupapes latérales donne un meilleur couple aux bas régimes qui donnera une économie de consommation et un meilleur rendement dans certains travaux.

L'adjonction d'une quatrième vitesse donne un effort maximum accru de 6% en première dans les cas difficiles; une troisième utilisable dans tous les travaux légers du sol avec une vitesse de rotation du moteur réduite de 28% soit une économie de consommation de l'ordre de 15%; enfin une prise directe allant plus vite de 25%, réduisant la consommation sur route de 15%.

Les caractères économiques d'importance immédiatement chiffrable ne suffisent pas à exprimer les avantages du matériel Ferguson.

D'autres avantages dont la valeur capitale ne peut s'écrire en chiffres donnent à ce matériel toutes ses possibilités.

La maniabilité, l'aptitude à travailler partout, la multiplicité des usages, la sécurité totale d'emploi peuvent seules permettre l'emploi universel des tracteurs et donner à la motoculture les moyens de développer toutes ses conséquences.

Ces avantages sont décrits et illustrés dans les notices commerciales Ferguson. Il ne s'agit pas là d'arguments de réclame, mais bien de faits dûment prouvés, indiscutables, ainsi que le prouvent chaque jour les 5000 tracteurs Ferguson qui fonctionnent en France et les 300 000 qui sont utilisés dans le monde. L' Ecole nationale d'Agriculture de Grignon possède depuis septembre 1945 un de ces tracteurs, qui a déjà accompli près de 3000 heures de travail. Le directeur de l' Ecole , M. Ratineau, et son chef de culture M. Grevay peuvent donner leur appréciation motivée des qualités du matériel Ferguson.

Nous citerons en outre trois faits:

Le matériel Ferguson peut travailler au cultivateur un enclos fermé de 5m x 8m, soit 40m2, sans autre issue qu'une ouverture latérale de 2m50 et cela sans laisser derrière lui ni une trace de roue, ni un espace non cultivé.

Des obstacles constitués par des plaques ou des barres d'acier sont enfoncés en terre sur le parcours des socs de la charrue pour causer un choc brutal. Au moment de l'impact, aucune tendance au cabrage n'est constatée, aucune rupture d'organe n'a lieu. Le tracteur se dégage par ses propre moyens et reprend son travail immédiatement, sans aucun effort de la part du conducteur.

Les deux faits précédents ont été reproduits des dizaines de fois en démonstration publique en France. Aucun autre matériel n'a jamais pu présenter de telles preuves de sécurité totale et de maniabilité.

Le troisième fait est de pratique journalière courante par les milliers d'usagers des tracteurs Ferguson; on peut passer de l'usage de la charrue portée à celui de la bineuse, du cultivateur, de la butteuse etc. également portés, sans effort ni outillage et en moins d'une minute. Les changements similaires avec les autres tracteurs demandent en général un outillage complet et un temps qui va jusqu'à plusieurs heures, décourageant l'emploi universel du tracteur à outils portés.

Conclusion

A la veille de la libération, il y avait en France 35000 tracteurs utilisables, pour la plupart démodés (voir note ci jointe).

Les rapports officiels, les livres, la plupart des techniciens, professeurs, fonctionnaires etc. ignoraient ou méprisaient les méthodes étrangères pourtant rationnelles; ils faisaient état des enseignements d'un passé périmé dont ils tiraient des chiffres absolument insuffisants quant aux besoins futurs de la France en matériel de motoculture, comme en témoignent les documents officiels de l'époque.

Notre retard matériel et technique était donc déplorable. Débordés par l'évolution mondiale, nous en ignorions même sauf exception l'enseignement et les tendances. Pas un cultivateur français sur cent mille n'était conscient des possibilités réelles de la motoculture.

Le constructeur français le plus important, Renault, avait construit en vingt ans, de 1923 à 1943 environ 6000 tracteurs . . . . Notre second constructeur, la Société Française de Vierzon, produisait en moyenne avant 1939, 300 tracteurs par an répartis en trois types. Le modèle Renault le plus répandu n'atteignait pas deux mille exemplaires (plus de quinze modèles différents construits en 20 ans).

Aucun constructeur français, (à part des artisans méritants comme Sabatier, Querry, Guillemaud, Boucher) ne se préoccupait vraiment des outils de culture qui seraient utilisés avec ses tracteurs.

Autre vérité irréfutable: Si en France les tracteurs étrangers ne figuraient que pour les deux tiers de notre parc, les pays du protectorat français tels que la Tunisie et Maroc, qui n'avaient pas les mêmes règlements douaniers, utilisaient 99% de tracteurs étrangers.

Les comparaisons avec la production et l'utilisation du matériel de motoculture à l'étranger sont écrasantes:

Aux USA, il y a 2200000 tracteurs en service, pour une étendue de terres de labour qui n'excède pas 7 fois celle de notre pays. La production des tracteurs y atteignait en 1940 275000 exemplaires par an.

En Angleterre, où la motoculture a pris une extension extraordinaire particulièrement depuis la guerre, il y a actuellement plus de 170000 tracteurs pour une étendue arable qui n'est que le tiers de celle de la France. C'est dire que la densité des tracteurs y est quinze fois celle de la France en 1944. A densité égale il nous faudrait cinq cent mille tracteurs. Or l'Angleterre n'est pas saturée de matériel de motoculture, les usines de construction s'y développent, tant pour satisfaire le marché intérieur que pour l'exportation.

Il n'est pas jusqu'à la Suisse, pays de montagne paraissant peu adapté à la motoculture, qui n'ait développé l'usage des tracteurs à un point tel que leur nombre dépasse, à étendue arable égale celui des autres pays.

Les besoins français en matériel de motoculture sont criants; les satisfaire est d'une importance vitale pour le pays. Leur volume est désormais reconnu par tout le monde. Les avantages techniques, économiques et sociaux de l'usage du tracteur ne font plus de doute pour personne. Le manque de main d'œuvre agricole, la pénurie du cheptel de trait, les prix de revient prohibitifs de la production agricole rendent l'évolution indispensable, en établissant la nécessité et l'urgence. La motoculture, base de l'évolution technique agricole, se généralisera comme l'usage de l'automobile s'est généralisé après la première guerre mondiale. Plus que tout autre pays, la France doit moderniser sa production agricole, base essentielle de l'existence même du pays.

Pour obtenir son plein effet, la motoculture exige un choix judicieux de matériel employé, ainsi qu'une connaissance parfaite de son emploi. Ou donc en est à ce point de vue la construction française, si en retard jusqu'à ces dernières années ?

Certes, de nouveaux constructeurs ont fait depuis peu leur apparition. Certains sont pourvus de moyens de production déjà relativement importants. Ils en sont encore aux premiers modèles, ou même à la mise au point des prototypes. Certains continuant à ne guère se préoccuper de l'outillage agricole indispensable.

L'industrie de la machine agricole exige, plus que toute autre, une longue somme d'expérience, de recherche, de mise au point. Moins que tout autre, elle se prête aux "miracles". Les grands constructeurs étrangers ont un long passé qui est l'histoire même du progrès. Tout matériel moderne n'est lancé commercialement qu'après un travail de recherche, de création et de mise au point exigeant des années de travail de nombreux spécialistes. Tout nouveau tracteur à roues est accompagné de la série d'outils de culture approprié et complète, qui lui permettra de donner les meilleurs résultats.

Les recherches de M. Ferguson ont duré plus de vingt ans avant d'aboutir définitivement à la production en série des tracteurs Ferguson. La production actuelle de ces tracteurs rien qu'aux Etats Unis est de l'ordre de 350 par jour. Et 131 usines spécialisées construisent six ou sept fois autant d'outils de travail pour ces tracteurs. L'usine anglaise de Coventry et une douzaine de constructeurs britanniques de machines agricoles ont démarré en juillet 1946 une production encore supérieure qui atteindra 500 unités par journée de huit heures. Tout cela n'a pu prendre corps qu'après un énorme travail de préparation, et en mettant en œuvre des ressources immenses.

Une firme comme l'International Harvester, plus que centenaire, produisait déjà plusieurs centaines de tracteurs par jour il y a vingt ans. Ses productions, construites dans vingt usines, couvrent toute la variété des machines agricoles.

Les nouveaux constructeurs français étaient pour la plupart complètement étrangers à l'industrie de la machine agricole. Leur bonne volonté est elle suffisante pour leur permettre de se hisser d'emblée, aussi bien au point de vue technique qu'à celui de la production, au niveau des meilleurs constructeurs étrangers ?

Au point de vue technique, ils ne peuvent certes pas nous montrer des résultats comparables à ceux du matériel Ferguson prouvés par les tracteurs en service dans notre pays. Au point de vue production, il est admis généralement dans le monde qu'une production minime de 100 exemplaires par jour est nécessaire pour lutter économiquement. Cette production entraîne celle de 600 outils de culture. Quels sont les modèles français actuellement suffisamment au point pour justifier sans risque d'erreur funeste, une production de pareille envergure ? Où est l'organisation française capable et désireuse de la réaliser ?

Certain constructeur français est obligé de munir chacun de ses tracteurs d'un poids en fonte de 350 kg disposé sur l'avant, pour réaliser l'équilibre au travail de son engin. Une solution aussi grossière ne révèle-t-elle pas combien la technique de ce constructeur est peu sûre, à côté d'un tracteur Ferguson "tout en muscles" ?

Le seul argument intéressant en faveur de deux des derniers modèles de tracteur à roues français est l'utilisation économique de moteurs à huile lourde. Si l'emploi des moteurs Diesel ou semi Diesel est indiscutable pour les grosses puissances, il n'est pas du tout prouvé qu'il s'impose, dans l'état actuel de la technique, en matière de motoculture légère, laquelle doit rester la base de l'effort français comme nous le démontrerons tout à l'heure.

En effet, les moteurs Diesel et semi Diesel sont plus lourds et plus coûteux; ils ne permettent pas de réaliser des tracteurs aussi légers, ce qui réduit les possibilités de la motoculture dans les moyennes et petites exploitations qui représentent 80% des fermes françaises et empêche son usage pour tous les travaux agricoles.

Ils possèdent en outre des organes délicats de la plus extrême précision (pompes, injecteurs) dont l'entretien et la réparation ne peuvent être confiés qu'à de trop rares spécialistes. Enfin, ces moteurs ont une marche beaucoup moins souple que les moteurs à explosion. Pour le matériel de moins de 25 à 25 CV, il est parfaitement possible que le supplément de matières premières mise en œuvre, l'obligation d'avoir un plus grand nombre de rapports de boite de vitesses, etc. compensent et au delà , l'économie de carburant réalisée au cours de la vie du tracteur.

En ce qui concerne le matériel Ferguson actuel, l'économie due au système Ferguson compense celle qui procure l'emploi d'un moteur Diesel au point de vue consommation à travail égal. Or , le prix du carburant à l'importation ne reflète nullement la différence constatée par l'usager entre le prix de l'essence et celui des gasoils, différence due principalement aux taxes d ' Etat.

S'il s'agit de construire en France le tracteur Ferguson, remarquons que le moteur n'est qu'un organe du tracteur, organe dont le fonctionnement est indépendant du rendement agricole proprement dit de l'ensemble tracteur-outils aratoires. Tout moteur de poids acceptable et de puissance équivalente au moteur Continental peut être monté sur le tracteur Ferguson; et il est probable que la maison Ferguson ne verrait aucun inconvénient, au contraire, à envisager la construction d'une version française de son matériel avec un moteur plus économique s'il en existe ici.

Disons une fois de plus que la consommation spécifique d'un tracteur ne suffit pas à juger un matériel de motoculture. Il faut penser "motoculture" et non pas "tracteurs", encore moins "moteur" pour avoir tous les éléments du problème.

C'est l'estimation judicieuse DES SERVICES RENDUS TOUT AU LONG DE L'ANNE, dans la totalité des travaux et des besoins de la ferme, qui compte en définitive; c'est l'économie réalisée dans la production agricole, c'est l'augmentation de cette production qui mesurent l'intérêt national d'un matériel. Voici un exemple numérique absolument frappant:

Le tracteur à roues de la marque suisse Vevey présente en comparaison avec le tracteur Ferguson, les caractéristiques suivantes:

         VEVEY               FERGUSON         
Poids: 2140 kg 1050 kg
Moteur: diesel essence
Consommation spécifique
(aux essais officiels):
216g/ch/h 327g/ch/h
Puissance à la poulie: 26,7 ch. 17,3 ch.
Blocage de différentiel: oui non

D'après les idées habituelles, ce tracteur muni d'un moteur licence Saurer et dont la construction est très soignée, parait infiniment supérieur au matériel Ferguson avec l'ancien moteur. Sa consommation spécifique est considérablement meilleure (le Ferguson consomme 47% de plus au banc). Il a un blocage de différentiel, etc.

Prenons maintenant les essais de labour qui ont été faits le 5 septembre 1945, quelques jours avant ceux de Ferguson, à Ville Evrard, dans des conditions identiques. Ces essais ont été réalisés avec une charrue portée réversible monosoc présentée par le constructeur du tracteur, donc considérée par lui comme parfaitement appropriée à son matériel. Les résultats sont les suivants:

Profondeur de labour:   279 mm
Largeur:   0,363 m
Vitesse:  4,73 km/h
Section labourée:       10,13 dm2
Surface labourée à l'heure:     0,1425 ha
Consommation à l'hectare labouré:           38 l
Consommation par ha et par cm de profondeur: 1,362 l

Si nous extrapolons pour ramener ces résultats à une profondeur de labour égale à celle des essais Ferguson, nous constatons ce qui suit:

1. Pour un travail équivalent, le tracteur Vevey consomme 42% de plus en labour que le tracteur Ferguson. Si l'on tient compte de fait que les conditions des essais favorisaient le tracteur Vevey (rayages plus longs, manœuvres en bout de raie plus courtes), et que ce dernier ne perdait que 10% du temps total hors de la raie alors que le Ferguson y perdait 20%, la consommation réelle en travail de labour est de 50% plus élevée avec le Vevey qu'avec le Ferguson !

2. Dans le même temps, et à profondeur égale, le tracteur Ferguson laboure une surface 65% plus grande que le Vevey. Si l'on rapporte les performances à l'unité de poids des tracteurs, on voit que chaque kilo de mécanique Ferguson accomplit dans le même temps 3,54 fois le travail que fournit chaque kilo de mécanique Vevey. Autrement dit, pour satisfaire les mêmes besoins agricoles, il faudra 3,54 fois plus de matière première avec le tracteur Vevey qu'avec le tracteur Ferguson.

3. Enfin, si l'on tient compte de l'élément important qu'est le prix d'achat, on constate que le tracteur Vevey coûtait en 1946, en valeur internationale, sans tenir compte des prix artificiels pratiqués en France actuellement, cinq fois le prix du tracteur Ferguson. A capacité de travail égale, la mécanique Vevey coûte donc exactement 8,25 fois plus que la mécanique Ferguson.

Avec la même somme, on pourra donc équiper 8,25 fois plus d'hectares de terre française en tracteurs Ferguson qu'en tracteurs Vevey. Voilà de quoi payer de l'essence au lieu de gasoil. . . . . .

Ces chiffres se passent de commentaires. Ils font justice de la devise d'un constructeur français:" Un tracteur vaut surtout par son moteur" . . . La motoculture est autre chose. Le système Ferguson a démontré qu'en utilisation réelle, seul critère valable, l'économie véritable consiste à pouvoir faire le plus de travail possible pour le minimum de poids de matériel.

Monsieur H. Grandjean, ingénieur en chef du génie rural, chef du service du machinisme agricole, a écrit fort justement que la motoculture ne peut se développer durablement et donner pleinement les résultats qu'on peut attendre "qu'avec des tracteurs donnant leur plein emploi et dont la puissance et les caractéristiques seront en rapport étroit avec les travaux à exécuter en qualité et en quantité, c'est à dire avec le genre de culture et la superficie à cultiver".

Cherchons, dans le cadre de ces conditions, quelle est la proportion des besoins français pour laquelle le matériel Ferguson s'impose comme plus avantageux que tout autre.

Il faudrait d'abord s'entendre sur ce qu'il convient d'appeler "plein emploi" d'un tracteur. La classification officielle en catégories suivant la puissance à la barre et les utilisations préconisées en fonction de cette puissance ne sont que des constructions de l'esprit si elles ne s'accompagnent pas de considérations pratiques correspondant au faits et aux nécessités réelles . . . . La puissance à la barre ne suffit d'ailleurs pas à classer les tracteurs, puisqu'un matériel comme le Ferguson fonctionne sans barre avec ses outils incorporés; or aucun coefficient officiel d'équivalence n'existe . . . .

Référons nous, aucune étude sérieuse de ce genre n'ayant été publiée en France, à celle des allemands Denker et Wefelshutten parue en 1942 sous le titre "Equivalence du rendement des tracteurs et machines dans les petites et dans les grandes exploitations".

Des graphiques y établissent l'influence des dimensions des parcelles cultivées et de la durée annuelle d'utilisation des tracteurs.

Si l'on transpose les données de ces graphiques au cas du matériel Ferguson, on trouve que:

1. Le prix de revient des labours n'augmente de façon importante que pour des parcelles de moins d'un demi hectare, avec des rayages inférieurs à 100 mètres. Le morcellement parcellaire n'est d'ailleurs jamais un obstacle prohibitif pour le matériel Ferguson.

2. Les dépenses par hectare n'augmentent notablement qu'en dessous de 1000 heures d'utilisation annuelle du tracteur. Elles restent très acceptables jusqu'à 400 heures annuelles (augmentation de l'ordre de 35%) en cultures normales. Les cultures très intensives à haut rendement ou à produits de valeur élevée (légumes, fruits) qui peuvent payer le travail plus cher amortiront parfaitement un tracteur avec 200 heures d'utilisation annuelle.

Un tracteur de la capacité de travail du Ferguson, utilisé seulement à un labour annuel, ne travaillera que 2h1/2 à 6h, par hectare et par an. Utilisé pour tout faire dans la ferme, il fonctionnera en terres arables et en cultures intensives à 20h par hectare et par an; et même jusqu'à 30 heures dans certains cas.

La limitation de l'emploi de ce matériel à certains travaux serait une absurdité technique et économique. Un tracteur doit remplacer les attelées dans toutes leurs utilisations. Un tracteur doit donc être apte à exécuter tous les travaux annuels normaux de la ferme, sauf dans les très grandes exploitations  pouvant avoir des matériels spécialisés. C'est pourquoi il est anormal de doter une ferme moyenne d'un tracteur de 30 cv à la barre, qui pèsera 3 tonnes et sera incapable de tout travail léger dans les cultures en lignes. Une telle ferme, il est aisé de le démontrer, utilisera toute l'année durant beaucoup plus économiquement et profitablement deux tracteurs plus légers capables à la fois des travaux lourds et des façons superficielles. Elle y trouvera en outre une souplesse et une sécurité accrues dans le travail.

Il est également anormal de réduire les exploitations de moins de 40 ha arables à l'usage des tracteurs classiques de 10 cv à la barre, totalement incapables d'assurer les labours d'hiver dans les terres difficiles ou les conditions atmosphériques adverses. Dans ce cas, un tracteur plus puissant, mais à tout faire, est infiniment plus indiqué même s'il ne travaille pas 1000 heures par an.

Seuls les gros travaux d'amélioration foncière doivent être normalement faits par un matériel coopératif ou d'entreprise, en dehors des temps de pénurie où le manque de matériel oblige à employer des solutions irrationnelles. Le tracteur coopératif se justifie également pour les très petites exploitations, moins de 10 ha arables.

Utilisé intégralement, le tracteur Ferguson sera d'emploi parfaitement rentable à partir de 20 hectares arables, et même moins s'il y a par exemple des prairies de fauche où il sera utilisé pour la coupe, la fenaison et le transport du fourrage. Moins également en culture légumière ou arboriculture fruitière.

Dans toutes les terres normales, il peut labourer jusqu'à 28 à 35 cm de profondeur en monosoc. Les labours de tête d'assolement à plus de 25 cm, ne sont pas pratiqués sur plus de 2 à 3% du territoire annuellement labouré. (4 à 500000 hectares, principalement betteraves); les labours à plus de 28 cm réels sont exceptionnels (en dehors des défoncements).

Compte tenu des périodes creuses, le maximum moyen possible d'utilisation d'un tracteur sous le climat français est de l'ordre de 1500 heures annuellement si l'on compte des journées de 8 heures.

Ce maximum peut être porté à 2000 heures si l'on utilise le tracteur jour et nuit en période de travaux urgents, méthode rationnelle d'usage courant à l'étranger et en Afrique du Nord pour les moissons et les labours. Elle permet avec un Ferguson de labourer jusqu'à 6 hectares par 24 heures à 22-25 cm de profondeur. Grâce à elle ce matériel peut suffire pour une ferme normale de l'ordre de 100 hectares, en terres de compacité moyenne.

Dans le cas particulier du vignoble, qui occupe avec ses 1500000 hectares environ 7% du territoire arable français, le matériel Ferguson a fait ses preuves avec une version étroite qui peut rendre les plus grands services dans toutes les exploitations vigneronnes de petite et moyenne étendue et dont les plantations sont plantées à des écartements supérieurs à 1m60.

Compte tenu de tout ce qui précède, on peut affirmer que le matériel Ferguson est plus avantageux que tout autre dans les cas suivants:

1.      La majorité des exploitations de petite étendue, de 5 à 20 hectares (il y a 1300000 exploitations de ce type). En général en utilisation coopérative.

2.      La totalité, sauf exceptions, des exploitations de petite culture familiale et de moyenne culture, entre 20 et 100 ha (il y a 460000 de ces exploitations), par utilisation coopérative pour les plus petites, individuelle pour les autres; utilisation de deux tracteurs pour les plus grandes.

3.      Un nombre important des exploitations de grande culture de plus de 100 hectares (au nombre de 32000 seulement) soit sur utilisation individuelle pour celles qui ont le moins de terres arables; soit par utilisation de deux ou plusieurs tracteurs Ferguson pour d'autres; soit enfin comme tracteur d'appoint pour les exploitations nécessitant un matériel plus puissant.

Au total, le type unique de matériel réalisé par la Sté Ferguson présente de tels avantages techniques, il est si judicieusement choisi et équilibré qu'il couvre à lui seul, mieux que tout autre matériel existant, la majorité des besoins français. Il pourrait logiquement représenter 80% du nombre total des tracteurs en France.

La motoculture est une nécessité vitale pour notre pays. Il est non moins nécessaire que notre matériel de motoculture soit construit en France et non importé de l'étranger. La production du matériel français actuel est incapable pour un temps indéterminé de subvenir qualitativement et quantitativement aux besoins réels et urgents de notre agriculture. La construction en France, avec des capitaux français, des matières premières françaises, de la main d'œuvre française, du meilleur tracteur étranger, de celui qui se prête le mieux à nos exploitations, à nos cultures, à nos façons de travailler le sol, celui aussi qui est le plus économe en puissance et en matières premières, est une solution rationnelle dont l'importance ne saurait échapper à ceux qui sont responsables des destinées de notre pays.

Cette solution nous place d'un seul coup au niveau de la technique mondiale. Elle nous épargne le risque d'avantages techniques plus que dangereux. Les besoins français sont suffisant pour justifier immédiatement la création d'une organisation puissante de production en série, augmentant de façon considérable les possibilités de notre industrie de la machine agricole, plus que tout autre créatrice de richesses. Outre l'action bienfaisante sur notre économie intérieure d'une telle industrie, en plus de son influence directe sur l'agriculture nationale, elle nous ouvrirait par la suite des marchés d'exportation que le matériel actuellement construit en France est incapable de trouver.

Débordant du cadre étroit des catégories de tracteurs classiques, le matériel Ferguson constitue un progrès substantiel qu'aucun technicien de bonne foi ne peut nier. Nous pouvons lui imposer un carburant déterminé; nous pouvons lui demander certains outils chers à l'agriculture française et peu usités à l'étranger. Nous n'avons pas le droit de refuser ce qu'il nous apporte.

Le 12 septembre1946

Maurice Valin.

Ingénieur Agronome.

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