www.@gric'old.fr


- Hillary et le tracteur agricole ont vaincu le Pôle Sud -

Mettons tout de suite les choses au point: malgré les comptes rendus de certains journaux à sensation, l'expédition transantarctique n'a pas constitué et ne saurait surtout constituer un grand prix de vitesse entre sir Edmund Hillary et le docteur Fuchs !

Mais parce que vous et moi, chers lecteurs, sommes passionnés de mécanique, cet article traitera principalement des tracteurs qui furent utilisés dans cette aventure.

L'expédition transantarctique 1955-1958 a été organisée, sous le patronage de Sa Majesté la Reine, uniquement dans un but de recherches scientifiques, indépendant de l'année géophysique. Elle a été financée par la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Afrique du Sud pour un montant d'un demi-million de livres (650 millions de francs). Malgré cet appui, l'expédition n'a pu être rendue possible que par le soutien de l'industrie. La grande quantité d'appareils scientifiques nécessaires a été fournie gratuitement, ainsi que l'huile et le carburant . Les nombreuses modifications nécessaires, afin d'assurer le fonctionnement correct des tracteurs par des températures polaires, ont été également effectuées aux frais des constructeurs.


Légende: Sir Edmund Hillary,le vainqueur de l'Everest, au volant d'un tracteur Ferguson

On doit ainsi comprendre que ce voyage titanesque ne saurait être comparé à l'établissement de la base américaine du Pôle Sud. Les Américains s'y sont posés avec des avions, un point c'est tout. Mais pour obtenir les données scientifiques qu'ils désiraient, les Britanniques n'avaient pas d'autre alternative que de parcourir chaque mètre du chemin, quel que soit l'état du terrain et malgré les difficultés les plus considérables. Le programme scientifique ne peut être entrepris qu'au niveau du sol car, à des intervalles de 80 kilomètres, des sondages sismographiques sont entrepris, la calotte neigeuse et le rocher sont percés à fin d'analyse et des observations météorologiques ont relevées. Les plans étaient que le chef de cette expédition, le docteur V. E. Fuchs, explorateur polaire d'une immense expérience, prenne les plus gros tracteurs transportant le matériel scientifique de la base Shackleton au Pôle. Aucun être humain n'a jamais mis le pied sur cette partie du globe et la reconnaissance aérienne s'était révélée quasi inutile, car l'immensité blanche détruit tout aspect de relief.

Pendant ce temps, sir Edmund Hillary devait partir de l'autre côté de la mer Ross ainsi que l'avait fait le capitaine Scott en 1912. Scott avait atteint le Pôle mais il était mort héroïquement sur le chemin du retour; son nom fut donné à la base de départ. Hillary n'emportait qu'un équipement léger avec des petits tracteurs agricoles et des chiens esquimaux. Il devait établir des dépôts tout au long du chemin avec des vêtements secs, de la nourriture et du carburant, afin que le docteur Fuchs, qui aurait traversé le Pôle, puisse se diriger sur la base Scott par un chemin préparé à l'avance. Hillary jouait ainsi un rôle de soutien et ne transportait que peu de matériel scientifique, son chargement étant fait de ravitaillement pour le docteur Fuchs .



Légende:Sir Edmund Hillary au volant d'un des tracteurs Ferguson qui ont vaincu le Pôle. on remarque sur ce document les chenilles montées sur les roues arrière seulement et qui servirent exclusivement à la base Scott

DOCTEUR FUCHS, GROS TONNAGE et PUISSANCE.

Pour ces deux tâches très différentes, les deux moitiés de l'expédition arrêtèrent leur choix sur des types de mécanisation qui différaient aussi de façon considérable. Le docteur Fuchs croyait au gros tonnage et à la puissance et la base de son matériel consistait en SNO-CATS construits par Tucker en Oregon (aux U. S. A.). Ce sont d'énormes véhicules, aussi gros que des autobus et qui reposent sur quatre boggies séparés, chacun comportant deux chenilles. Malgré leurs dimensions, la surface colossale des huit chenilles les rend très aptes à la traversée des sols friables et la pression exercée sur la neige est le chiffre remarquablement bas de 87 grammes par centimètre carré. Comme tous les tracteurs de l'expédition, les SNO-CATS ont des moteurs à essence. Le moteur Diesel a été utilisé avec succès dans des conditions arctiques, mais les ingénieurs de l'expédition préféraient le moteur à essence quand le démarrage et la marche doivent être assurés dans ces terribles conditions climatiques. Des huiles et carburants B. P. à basse température sont utilisés pour les tracteurs et cette maison a ainsi accordé son généreux soutien à l'entreprise.

On remarque avec surprise que les SNO-CATS, en leur état d'origine n'étaient pas adaptés à leur emploi et ils durent être considérablement modifiés. Les moteurs furent revus par la succursale anglaise de Chrysler et des carburateurs Solex d'origine française se révélèrent les meilleurs. Tous les instruments furent changés par Smith, et Lucas s'occupa de la partie électrique.

Malgré leurs immenses dimensions, ces véhicules sont très contrôlables car les boggies peuvent être accélérés ou freinés de façon indépendante si cela est nécessaire. Cependant leur remise en service en cas de chute dans des crevasses est une entreprise longue et hasardeuse.

Le docteur Fuchs avait besoin de quelques véhicules plus légers pour accompagner ses Léviathans et ne pouvait trouver ce qu'il désirait parmi les modèles actuellement en production; aussi acheta-t-il quatre WEASELS d'occasion, qui avaient été construits à l'origine par Studebaker pour l'armée canadienne. Ce sont des véhicules à chenilles qui ont été étudiés comme véhicules de reconnaissance et sont par conséquent beaucoup plus légers que des tanks. Ils ont un moteur classique d'automobile. 6 cylindres à soupapes latérales et ont dû être reconstruits et considérablement modifiés pour le travail qu'on attendait d'eux. De toutes nouvelles chenilles furent étudiées et fabriquées par le Ministère britannique de l'Industrie. Malgré tout ce travail. les WEASELS durent subir de nombreuses réparations dans les conditions d'emploi extrêmement dures auxquelles Ils furent soumis.

Finalement le docteur Fuchs se procura un tracteur MISKEG : c'est une production canadienne-française et il est vendu par Bombardier Snowmobile Ltd de Val­court. Québec (Canada). Vous pouvez en acheter cinq pour le prix d'un SNO-CA T et c'est un véhicule à chenilles de dimension moyenne dont la vitesse maximum est de 40km/h. Il est propulsé par un moteur Chrysler de 115 chevaux, pèse 2 tonnes et mesure 3,5 m de long et 2,2 m de large. Sur la neige, il tire 3 tonnes sur une pente de 20%. Cette machine a dépassé tous les espoirs que l'on mettait en elle en réalisant des performances uniformément excellentes. Sir Edmund Hillary est un individualiste et il a ses propres idées sur la mécanisation. Il était désireux de se passer du luxe des gros véhicules fermés afin de garder un poids réduit et une grande mobilité. Il choisit le petit tracteur agricole Ferguson. qui est assez léger pour être sorti à la main des crevasses. Il est aussi de la construction la plus simple et il est bien plus facile à entretenir que les tracteurs plus gros et plus compliqués.

Ces petits tracteurs sont construits par Standard à Coventry et vendus par Massey­ Harris Ferguson. Ils ont pratiquement le même moteur 4 cylindres que celui qui est monté sur la Standard Vanguard et, en une version poussée, sur la Triumph TR3 et la Morgan. L'alésage est de 85 mm et la course 92 mm (1 088 cc) avec un taux de compression de 6 à 1 le régime maximum que l'on atteint est de 2000 t/m mais on ne le dépasse pas grâce au régulateur centrifuge. A ce régime il développe 28,4 chevaux. Il est culbuté et le carburateur est vertical, le moteur, la boîte de vitesses et le pont arrière sont en un seul élément sans suspension. L'embrayage est à disque unique de 23 cm de diamètre et les rapports de la boîte à 4 vitesses sont: 19,8, 41,3, 57 et 78,5/1.

Les pneus arrière sont de 10 pouces de section sur une jante de 28 pouces; il n'y a pas de freins ni de ressorts à l'avant, mais l'essieu pivote en son centre pour franchir les dénivellations importantes. La direction, avec le volant au centre, est à engrenage et les freins, sur les moyeux arrière, sont dans des tambours de 35 cm sur 5 cm. Ils peuvent être actionnés simultanément ou indépendamment pour tourner le tracteur. L'empattement n'est que de 1,78 m et la voie 1.12 m ; le poids est de 1134 kg.

Le vainqueur de l'Everest n'eut besoin que de peu de modifications pour ses tracteurs, la plus importante étant l'emploi de chenilles norvégiennes pour enrouler autour des roues; elles furent fournies par Eiks Maskinforretning. Le freinage individuel des roues est utilisé pour braquer quand les chenilles sont employées. En plus, les freins durent être spécialement protégés contre l'entrée de la neige, le radiateur et le ventilateur furent carénés. Le produit Lucas au silicone et caoutchouc fut employé pour l'isolation du réseau électrique et la batterie. dynamo et démarreur furent surdimensionnés. Un thermomètre spécial fonctionnant en dessous de zéro fut installé pour la température du moteur, et ce furent les seules modifications nécessaires pour un tracteur agricole que des milliers de fermiers français possèdent actuellement. (Rappelons que ce tracteur est monté en France aux usines Hotchkiss.)

HILLARY, TRACTEURS LEGERS.

Sir Edmund Hillary partit pour son voyage de 2 000 kilomètres vers le Pôle le 14 octobre; il emmena trois de ses cinq tracteurs en laissant deux en réserve à la base Scott. Ils tiraient des traîneaux pesant une tonne chacun et ils étaient accompagnés de 60 chiens esquimaux. Sur toute leur route, il y avait de la neige molle et profonde coupée de crevasses. Des montagnes furent franchies, dont l'altitude allait jusqu'à 3000 mètres et parfois la première vitesse seulement (pas tout à fait 5 km/h) fut employée toute la journée. Au dépôt 700, à quelque 1100 kilomètres du Pôle, les chiens furent laissés. Ils n'avaient de toute façon aucun intérêt technique pour nous, ayant une suspension indépendante des quatre pattes, comme tous les chiens et s'entrebattant mutuellement de façon sauvage à chaque occasion. Au dépôt 700, des forages révélèrent qu'il existe du charbon, mais les principaux appareils scientifiques étaient dans les SNO-CATS avec le docteur Fuchs. Après cela Hillary partit avec ses trois petits tracteurs. La marche et le terrain étaient difficiles, mais non insurmontables et il n'y eut aucun ennui mécanique.

La performance des tracteurs Ferguson fut au-dessus de tout éloge. Le premier à avoir atteint le Pôle aurait porté le numéro de série: cinq cent treize mille huit cent trente les explorateur l'avaient surnommé "Sue". Les experts avaient prédit qu'ils ne seraient utiles qu'aux alentours de la base et que les gros SNO-CATS, spécialement construits pour ce travail. seraient nécessaires pour le voyage proprement dit. Tous les vivres furent menés à bon port, les quatre dépôts étant organisés comme convenu. Sir Edmund Hillary a rempli la tâche qui lui avait été confiée, bien que son équipement ait été simple et bon marché.

Pendant ce temps, le docteur Fuchs connaissait une série de difficultés. Le temps était exécrable à la base Shackleton et la préparation fut retardée par les recherches d'un avion de reconnaissance qui avait dû faire un atterrissage forcé.

Sitôt le départ, un WEASEL dut retourner à la base avec des ennuis de chenilles persistants. Un autre WEASEL tomba dans une crevasse, mais il fut récupéré. Il y avait par endroit des crevasses tous les 5 mètres et le danger était extrême. Les SNO-CATS furent magnifiques, mais bientôt un mur de glace se présenta devant le convoi. Il y avait 80 kilomètres de montée continue durant laquelle le moteur d'un WEASEL commença à cogner horriblement : une bielle coulait. Au sommet, à 1 800 mètres, le docteur Fuchs baptisa cette montagne : mont Shackleton. Puis vint ensuite un pays de "Nuntaks" ­sommets montagneux perçant au milieu des champs de glace, et encore plus de crevasses.



Ils arrivèrent exténués au dépôt de South Ice, mais le terrible rideau blanc (pas d'horizon, visibilité nulle) rendait le vol impossible. Finalement l'équipe s'envola vers Shackleton base et en repartit avec 3 SNO-CATS, 1 MUSKEG et 2 WEASELS. Ils avaient marqué leur route précédente avec des drapeaux. mais un réchauffement soudain de la température rendit la glace si fragile qu'elle ne pouvait plus porter les véhicules. Trente tonnes de matériel (dont 21 tonnes de carburant) durent être trainées et les véhicules sortis de crevasses après crevasses. South Ice fut finalement  rejoint avec tout le monde aux limites de la résistance, car on n'emportait pas de grue et chaque opération de sauvetage avec des hommes aux cabestans prenait jusqu'à huit heures.

De nouveaux coussinets furent montés sur le WEASEL endommagé et ensuite, le jour de Noël, le docteur Fuchs partit pour le Pôle. Mais il y avait encore une autre horreur devant lui, appelée la "Sastrugi", une tôle ondulée géante avec des ondulations de 90 cm de haut et le sommet acéré comme une lame de rasoir. Les véhicules étaient affreusement secoués, car les vibrations terribles étaient au rythme de la destruction. La longévité des chenilles était faible et les pièces de rechange devenaient rares, mais il avait été décidé d'abandonner les WEASELS et les MUSKEG les uns après les autres, au fur et à mesure que le carburant et les vivres baissaient. Le voyage devait se terminer avec les SNO-CATS seulement.

Une grande quantité de données scientifiques ont été obtenues et des contrées jusqu'alors inconnues ont été relevées sur des cartes. Beaucoup de leçons y ont été apprises par les techniciens, principalement en ce qui concerne le dessin des chenilles: celles en caoutchouc se cassent par des températures très basses et les chenilles d'acier sont trop lourdes. Il faudra trouver le moyen d'empêcher les chenilles de geler au moment où le tracteur s'immobilise.

C'est ainsi que l'on fait plusieurs années de progrès en quelques mois et c'est justement l'un des bienfaits que cette expédition apportera. Bravo!

Extrait de "L'automobile" n°:142 de février 1958 – par John V.Bolster

Maintenant, penchons nous sur la partie qui nous interesse le plus à savoir les Fergies de Sir Hillary -
extraits tirés de son livre "Mon expédition au Pole Sud

Lors de la reconnaissance par Sir Hillary et V.Fuchs dans la baie de Vahsel:

.........Le thermomètre marquait -16° La matinée fut consacrée à débarquer et à mettre en état de marche nos véhicules, à savoir deux tracteurs "Ferguson" et deux "Weasel" David Pratt et Roy Homard s'y employèrent avec ardeur et bientôt les deux "Ferguson" à semi chenilles, ainsi que les "Weasel" commencèrent à remorquer le matériel débarqué la veille..........

........Bunny envisageant de doter l'expédition néo zélandaise de la mer de Ross de tracteurs "Ferguson", je profitai de l'occasion pour étudier et essayer à fond ce type de tracteur, ses qualités et ses lacunes. Il comportait des chenilles en caoutchouc, montées sur des languettes métalliques; cette chaîne sans fin passait sur la grande roue motrice arrière et sur une petite roue d'entrainement, située à égale distance des essieux avant et arrière. On pouvait donc diriger le véhicule par deux moyens: soit en actionnant les roues avant avec le volant, comme dans une voiture ordinaire, soit en freinant plus ou moins l'une ou l'autre de chenilles, chacune étant soumise à l'action d'une pédale de frein spéciale. En terrain dur, si inégal fut'il, ce tracteur donnait toute satisfaction, mais je me rendis vite compte qu'il calait dans la neige molle ou dès que la pente à gravir devenait raide. D'autre part, diriger ce véhicule s'avéra très difficile quand il remorquait une forte charge: d'une part le poids de la remorque le maintenait en ligne droite et rendait sans effet la rotation du volant de direction, d'autre part les chenilles s'enrobaient vite de glace et n'obéissaient plus à l'action du frein. Mais en dépit de ses imperfections, le "Ferguson" nous rendit grand service et l'on apprit à en tirer le meilleur parti........

......Les "Ferguson" purent aisément traîner leurs charges du bateau à la falaise mais pour escalader celle ci il fallu employer uniquement les "Weasel" malheureusement, si ces véhicules étaient puissants, ils avaient en revanche, le grave défaut de tomber souvent en panne, cette mécanique se révélant trop délicate; en sorte que bientôt le dépot intermédiaire au pied de la falaise se trouva encombré, les "Weasel" ne pouvant travailler à la cadence des "Ferguson".......

.....Pour ma part n'ayant que peu de temps à passer en Angleterre, je fus très occupé, mais je tins à aller faire un bref séjour en Norvège, où l'on avait procédé à la transformation des tracteurs "Ferguson" pour les adapter à la neige. Nos moyens financiers limités feraient de ce type de véhicule l'armature même de notre expédition et je tenais à me documenter au maximum sur les possibilistés qu'il offrait. Les experts d'Eimaskin, agents norvégiens de Ferguson, nous initièrent aux performances des tracteurs à chenilles entières et à semi chenilles, que l'on put comparer à celles des "Weasel" L'expérience nous confirma la qualité de ce matériel Ferguson, mais aussi la necéssité de le perfectionner pour l'adapter à la neige molle........

......Une terrible tempête, survenue fin mars provoqua la rupture d'un énorme bloc dela banquise, qui se détacha de la falaise glaciaire et parti à la dérive, emportant le dépôt constitué sur le terrain d'atterrisage, c'est à dire: quantité de vivres de réserve, trois cents cylindres d'essence, toute la provision de charbon et un tracteur "Ferguson..........

L'expédition proprement dite:

.......Hélas nos moyens limités m'interdisaient l'achat de "Sno-Cat" et de "Weasel" spécialement étudiés pour circuler dans la neige; je dus donc me contenter de cinq "Ferguson" mis à disposition à titre gracieux, par cette firme. ........

Très généreusement, les agents de la maison Ferguson avaient envoyé deux de leur véhicules au mont Cook en sorte que chacun de nous put y passer plusieurs jours à suivre un cours complet d'utilisation de ce matériel........

...Il faisait si beau que, dans l'après midi, on enleva les bâches des tracteurs groupés sur le pont afin de les faire tourner: il démarrèrent au quart de tour......

......... Tout le matériel ayant été débarqué, le groupe de reconnaissance quitta l'Endeavour à minuit. Quatre tracteurs ouvraient la marche, remorquant sept traineaux. Personnellement je conduisait un "Ferguson" à chenilles entières...

.....Il nous arriva plusieurs fois de traverser des mares si profondes que le pot d'échappement du tracteur était immergé et faisait entendre un curieux bouillonnement. En de tels passages, j'avais quelques peines à chasser une pensée désagréable: Au fond de ces mares, la glace était elle assez épaisse et ne risquait elle pas de se rompre nous précipitant ainsi au fond de la mer ?.....

...Nous optâmes pour une solution qui diminuait les risques d'accidents pour le conducteur du tracteur: celui ci se tiendrait sur le traineau remorque et non plus dans la cabine, et il dirigerait son véhicule à l'aide de longues rênes fixées aux poignées des leviers de commande. Si le tracteur basculait dans une crevasse, peut être le perdrait-on mais au moins le conducteur serait sauf......

L'arrivée au Pôle Sud:

.....Pour la dernière fois je coupais le contact de mon moteur et descendis,tout engourdi de fatigue, du tracteur. Aussitôt je me vis submergé sous un flot de félicitations et de questions par les photographes, puis entrainé amicalement vers la douce chaleur de la station, ou nous attendait un repas frais et appétissant. Mais avant de descendre dans ce confortable sous sol, je jetai un dernier regard vers notre petit train de tracteurs. Les trois véhicules, plus ou moins inclinés de coté dans leurs grosses ornières de neige, avaint un air abandonné et négligé, comme les jouets cassés qu'un enfant jette quand il ne peut plus s'en servir.
Oui, sans l'ombre d'un doute, notre caravane tractée avait un aspect quelque peu risible ! Mais en dépit des apparences, nos "Ferguson" nous avaient mené au but à travers plus de deux milles kilomètres de neige et de glace, de crevasses et de sastrugi, de bourrasques et de brumes , et ils étaient les premiers véhicules motorisés à avoir atteint par leurs propres moyens le pôle sud.
Tous les véhicules et leurs lourds traineaux furent rangés à coté des trois "Ferguson", et pour la première fois j'eus un peu honte d'eux; Cabossés, avec leurs toiles de cabine en loques, et rafistolés tant bien que mal, ils auraient paru plus à leur place au fond de quelques cours deferme, abandonnés sous des arbres. On avait certes peine à croire qu'ils avaient été capables de nous mener au Pôle.

L'aventure vue par un journalitse, article paru le 15 janvier 1958

LA BATAILLE DU PôLE SUD par Raymond Cartier

"Hillary, déclara le contre amiral C.R.L. Parry, doit avoir la tête gonflée. Il est impossible quele docteur Fuchs se trouve à 360 milles du pôle, puisqu'il en était à 200 milles il y a quelques jours. Il n'est tout de même pas revenu sur ses pas ! Je ne comprends rien aux nouvelles qui arrivent de là-bas."

En acceptant le poste de secrétaire général de l'expédition arctique du Commonwealth, l'amiral Cecil Ramsden Langworthy Parry avait eu la conviction de reprendre du service pour la reine et pour le drapeau. Le cheveu poivre et sel, la moustache blanche, le teint brique, D.S.O., O.B.E., apparenté à un colonel, cinq amiraux et un maréchal del'air, trente six ans de service sur les sept mers, C.R.L. Parry peut reconnaitre l'illustre major Marmaduke Thompson en se rasant chaque matin devant son miroir. Il partageait sa retraite entre le yachting et le jardinage. Il s'en arracha pour installer le secrétariat général de l'expédition antarctique dans six pièces du sixième étage d'une vieille maison en briques de Victoria Street. Et pour tomber dans l'une des querelles les plus empoisonnées de l'histoire pleine de disputes des explorations.
En disant que Fuchs se trouvait à 200 miles du pôle Sud, l'excellent amiral croyait faire une concession. Depuis la veille en invoquant l'autorité d'un sans filiste amateur du New Jersey, la B.B.C. répetait que le chef de l'expédition britannique n'était plus qu'à 50 milles et que toutes difficultés surmontées, il avançait à vive allure. Le Time du 4 janvier avait mis sa vieille autorité au service de l'espoir anglais en imprimant qu Fuchs pouvait encore arriver le premier au but. Course ! disaient tous les journaux lesquels, peu de jours au paravant, parlaient à peine de Hillary et s'étendaient sur les obstacles dressés par l'Antarctide devant l'expédition du Commonwealth. La course, hélas! n'existait que dans leur besoin du sensationnel. La nouvelle de l'arrivée d Hillary au fond du monde fut accompagnée du premier bulletin circonstancié publié plusieurs jours sur la position de Fuchs. il était (ironie cruelle) relayé par Hillary lui même. "375 miles from the Pole in position 84 degres 43 minutes south altitude 7000 feet" On ajoutait que le colonne se trouvait dans un "white out" C'est à dire clouée au sol par une obscurité blanche aussi opaque, aussi destructrice du réel, cent fois plus angoissante quela plus épaisse des nuits.....
La mortification anglaise était flagrante. L'indignation, toutefois se contenait encore. Elle brisa toutes les lisières de l'esprit sportif quand sir Hillary fit connaitre qu'il n'avait pas l'intention d'attendre Fuchs au pôle Sud. Il allait revenir en avion à sa base de départ, quitter l'Antarctide, retrouverla Nouvelle Zélande. Il tenait des propos désabusés et cyniques, qui, partant du pivot de la terre, faisaient le tour du monde dans tous les sens. "J'en ai ma claque de la neige et des crevasses.... Ne comptez pas sur moi pour un deuxième hiver dans l'Antarctique. J'ai une femme et des enfants que j'ai envie de revoir... Tous mes compagnons sont dans mon cas...." Il parlait en lançant à celui qui était nominalement son chef de conseil plein de condescendance: "Soyez prudent! arrêtez vous au pôle. Ne tentez pas de traverser de part en part le continent antarctique, de refaire sur mes traces la route que je viens de parcourir ..."
Le lendemain le Daily Mail publiait une lettre ouverte d'un ancien compagnon d'Edmund Hillary: "Ed, vous avez délibérément piétiné un beau rêve....Il avait été convenu que tous les pays du Commonwealth participeraient à l'expédition. Vous vous êtes personnellement couvert de gloire, mais Bunny Fuchs a le droit de croire que vous l'avez trahi"

 

Voir des photos actuelles de Sue

Une petite vidéo des Ferguson à la conquête du Pôle Sud:


WELLIGTON (AFP) -10 janvier 2008 23:32

Décès de Sir Edmund Hillary, premier homme à avoir gravi le "Toit du monde"

Il y a 7 heures

WELLINGTON, Nouvelle-Zélande - Sir Edmund Hillary est mort, a annoncé vendredi le Premier ministre de Nouvelle-Zélande Helen Clark. Il avait 88 ans. L'alpiniste et explorateur restera dans l'Histoire l'homme qui a conquis l'Everest en 1953, en compagnie du sherpa Tenzing Norgay. Cette force de la nature qui préférait se faire appeler "Ed" plutôt que "Sir" luttait contre la maladie depuis des années et s'est éteint d'une crise cardiaque, a indiqué l'hôpital de Wellington dans un communiqué.

Hillary est né à Auckland le 20 juillet 1919. Il a appris l'alpinisme dès 12 ans, sur les sommets et les glaciers néo-zélandais. En 1946, après avoir fait son service militaire dans l'armée de l'air pendant la Deuxième Guerre mondiale, il s'était établi comme apiculteur.

"Sir Ed se décrivait comme un Néo-Zélandais moyen avec de modestes capacités. En réalité, c'était un colosse", a estimé Helen Clark. "C'était une figure héroïque qui non seulement a conquis l'Everest mais qui a aussi vécu une vie de détermination, d'humilité et de générosité", a-t-elle ajouté.

La vie d'Edmund Hillary était empreinte d'aventures, de grands défis, de découvertes, d'excitation et d'humilité.

D'abord engagé au sein d'une équipe néo-zélandaise lancée à la conquête du "toit du monde" en 1951, l'alpiniste n'avait ainsi pas reculé devant un premier échec et une tentative infructueuse, repartant deux ans plus tard sous un étendard britannique.

Accompagné de son ami, le sherpa Tensing Norgay (décédé en 1986), Hillary fut le premier homme à atteindre, le 29 mai 1953, le toit du monde (8848 mètres) dans la chaîne de l'Himalaya. Le succès de l'expédition pour la conquête de l'Everest avait été annoncé publiquement le 2 juin, jour du couronnement de la Reine Elizabeth II d'Angleterre.

"Encore quelques pas d'épuisement et il n'y aurait plus rien au-dessus de nous que le ciel. Il n'y a avait plus de corniche, ni de pinacle. Nous nous tenions debout tous les deux en haut du sommet. Il y avait de la place pour à peine six personnes. Nous avions conquis l'Everest", avait-il confié dans un livre paru quelques années après son exploit.

Ce jour-là, les deux compagnons n'étaient restés qu'à peine 15 minutes à regarder le monde depuis sa plus haute cime, le temps de prendre quelques clichés avant d'entamer une redescente longue et périlleuse.

Pour Edmund Hillary, la vie était simple et lui ressemblait. "L'aventure peut concerner des personnes ordinaires avec des qualités ordinaires, un peu comme moi", avait-il ainsi déclaré lors d'un entretien réalisé en 1975.

Parmi les nombreuses distinctions que reçut l'alpiniste figure celle de chevalier commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique, décernée en 1953 par la reine Elizabeth II, quelques jours après son intronisation.

Parfois déroutant d'humilité, Edmund Hillary avait eu notamment des mots incrédules après le déluge de félicitations qui avait suivi leur exploit, résumant leur expédition à "la simple ascension d'une montagne".

Très attaché au peuple népalais dont il connaissait la richesse, l'alpiniste néo-zélandais a consacré une large partie de sa vie à oeuvrer pour le développement de ce pays d'Asie.

Fondateur de l'association "Himalayan Trust", Sir Edmund a notamment participé à la construction de nombreuses écoles, d'hôpitaux et a su se servir de sa notoriété planétaire pour collecter des centaines de milliers de dollars pour venir en aide aux populations locales.

Celui qui était surnommé "le grand homme" par les sherpas en raison de sa carrure imposante n'a pas connu que des joies au cours de sa vie, frappé par la mort de sa femme et de sa jeune fille de 16 ans dans un accident d'avion, au printemps 1975.

Outre sa conquête de l'Everest, Sir Edmund Hillary avait entrepris au début des années 1960 une expédition scientifique au Népal. Parmi les autres exploits de Sir Edmund Hillary, mentionnons l'expédition pour installer la base Scott dans l'Antarctique, qui s'est déroulée de 1955 à 1958. Toujours en 1958, il a aussi été le premier à se rendre au pôle Sud par véhicule.

  Affichage conseillé: 1680x1050 ©2007-2024 Agric'old | retour haut de page |reproduction interdite sauf accord écrit |

CSS Valide !